« Colophon »

2007


2007
Andreas Nijenhuis, « Frédéric Meyer, Sociétés ecclésiastiques d’Ancien Régime. Couvents, chapitres et évêchés entre Dieu et les hommes », in : Chrétiens et sociétés, Lyon, Resea, 2007, n° 14 [France]

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Bravant une pluie d’automne, une audience nombreuse a assisté, le 17 novembre dernier à l’Université Lyon 2, à la soutenance du dossier d’habilitation à diriger les recherches de Frédéric Meyer (Université de Savoie). Un jury international a eu à juger d’un corpus composé, tradition académique oblige, de trois parties.

Sous le titre Sociétés ecclésiastiques d’Ancien Régime. Couvents, chapitres et évêchés entre Dieu et les Hommes, quelque huit cents pages, en plus des cinq ouvrages publiés, couvrent les activités de recherche et de pédagogie du candidat. S’inscrivant à la fois dans la continuité d’une thèse sur des réguliers soutenue à Lyon 2 en 1995 et dans des champs chronologique et géographique élargis, notamment depuis sa nomination en Savoie en 1997, les recherches de Frédéric Meyer ont pour dénominateur commun le monde clérical entre les XVIe et XVIIIe siècles.

La traditionnelle note de synthèse (76 pages) retrace le parcours personnel du chercheur, ponctué par la (co-)publication de cinq livres (dont Un chanoine de Cavaillon au grand siècle. Le livre de raison de Jean-Gaspard de Grasse (1664-1684), publié en 2002), d’une trentaine d’articles, l’organisation de cinq colloques et la participation à une quinzaine d’autres, et la direction de 68 mémoires de maîtrises, puis de masters à l’Université de Chambéry. Ses curiosités sont multiples. Les actes du colloque de Chambéry sur les missions intérieures en France et en Italie, organisé à Chambéry en 1999 avec Christian Sorrel et publié en 2001, montraient une logique attirance italienne pour un universitaire de Savoie. Les textes des rencontres de 2003 entre les départements d’histoire de Chambéry et de Milan, publiés en 2005 (Identité et appartenance dans l’histoire du Christianisme. Identità e appartenanza nella Storia del Cristianesimo), avec Christian Sorrel, Grado Merlo et Paola Vismara, en étaient le prolongement. L’entreprise lancée en 2003 avec le médiéviste Ludovic Viallet sur les Identités franciscaines à l’âge des réformes autour de la notion d’observance dans un ordre mendiant, et qui a fait l’objet d’un volume publié en 2005, connaîtra son achèvement avec un quatrième colloque à Chambéry en mars 2007.

Le recueil des articles, intitulé Identités religieuses et sociétés. XVIe-XVIIIe siècles, présente en 371 pages vingt-cinq articles, rédigés entre 1997 et 2006 en marge, si l’on ose dire, des cinq ouvrages publiés par Frédéric Meyer. Ces travaux sont articulés autour de trois thèmes majeurs. Les réguliers font l’objet d’un premier groupe de publications, dans la continuité des travaux antérieurs et de sa thèse sur les récollets de la province de Lyon. Les cultures religieuses constituent un second pôle de cette histoire religieuse écrite à travers des études partielles mais cohérentes entre elles. Enfin, le contexte sociétal et politique essentiellement savoyard forme un troisième volet de ces études.

La pièce maîtresse du dossier, le mémoire inédit de 352 pages La Maison de l’évêque. Familles et curies épiscopales de la fin du XVIe siècle à la fin du XVIIIe siècle, entre Alpes et Rhône (Savoie-Bugey-Lyonnais-Dauphiné-Comtat Venaissin), étudie les familiers de l’évêque dans seize diocèses de l’actuel Sud-Est de la France. Ce sujet complexe, suggéré par les travaux de Louis Châtellier, révèle la dualité de la dignité des évêques, que Frédéric Meyer résume ainsi dans son propos liminaire : « comme princes et administrateurs, il leur fallait un palais ; mais comme prêtres austères et pasteurs, ils y vivaient comme des réguliers ». Le cadre des palais épiscopaux, des châteaux à la campagne, du mobilier, des équipages révèle en effet à partir du XVIIe siècle une opposition nette entre la partie publique de la vie de l’évêque et d’un entourage de plus en plus étoffé, tournée vers la réception et l’administration, et une vie privée de plus en plus austère, voire ascétique avec une équipe réduite de serviteurs. « Société mi-cléricale, mi-laïque », ces familiers sont gens de maison (aumôniers, secrétaires, domestiques) ou/et administrateurs diocésains (grands vicaires, officiaux, greffiers, notaires). Ils sont membres du clergé, mais aussi parfois des laïques, parents ou fidèles du prélat qu’ils servent. Progressivement les liens de fidélité d’homme à homme cèdent le pas à une professionnalisation croissante et à une véritable administration d’ancien régime. À côté d’une minorité de jeunes ambitieux brillants, à la recherche d’une mitre, formés au séminaire Saint-Sulpice de Paris et à la Sorbonne, apprenant leur métier dans plusieurs diocèses successivement, le gros des familiers épiscopaux et des administrateurs diocésains est constitué de prêtres locaux, issus de la robe et de la marchandise, passés par les chapitres de chanoines ou récompensés par un canonicat, et qui se contentent de l’horizon diocésain. Soutenant la réforme épiscopale, mais aussi les intérêts économiques, politiques, culturels de leur maître dans l’environnement local, ils ont une bonne connaissance des dossiers, assurent la continuité de l’administration diocésaine lors de l’absence de l’évêque et amortissent les conflits avec les corps constitués (les chapitres en particulier). Le supplément d’administration n’est pas en contradiction avec l’engagement pastoral.

Un fichier informatique, fourni sur CD-Rom, regroupant les données prosopographiques de 1144 de ces familiers accompagne ce travail. La mise à disposition aux historiens de ce fichier témoigne de l’esprit collégial qui anime les recherches de Frédéric Meyer.

Les membres du jury ont salué l’ampleur du dossier présenté, la cohérence des problématiques explorées et la qualité des recherches. Notamment, le jury a unanimement apprécié le mémoire inédit et a émis le souhait d’une publication dans les meilleurs délais.

Au terme d’une délibération très rapide, le jury a habilité Frédéric Meyer à diriger des recherches et a exprimé, à titre privé, ses félicitations.

Andreas Nijenhuis, « Frédéric Meyer, Sociétés ecclésiastiques d’Ancien Régime. Couvents, chapitres et évêchés entre Dieu et les hommes, Habilitations à Diriger des Recherches soutenue le 17 novembre 2006 à l’Université Lumière – Lyon 2 », Chrétiens et sociétés, 14 | 2007, 169-171.