« Colophon »

Université Lyon III

Université Lyon III, France
Colloque international
30 juin — 1 juillet 2017

« Définir l’hétérodoxie dans le protestantisme, entre Églises et États (XVIe-XVIIIe siècles) »

Organisateurs : Yves Krumenacker (Lyon 3, LARHRA), Noémie Recous (Lyon 3, LARHRA)

La Réformation est née d’une protestation contre des pratiques, les indulgences, qui semblaient révéler que l’Église s’était éloignée de l’Évangile. Il fallait par conséquent revenir à l’enseignement du Christ. Très rapidement, pourtant, les réformateurs se sont divisés sur la cène, la prédestination, l’inspiration des Écritures, etc. L’élaboration de confessions de foi, leur imposition aux populations, l’enseignement fourni par les pasteurs et prodigué dans les écoles et les collèges ont permis la formation de nouvelles orthodoxies. Depuis les années 1980, la recherche a insisté sur le rôle conjoint des Églises et des États dans ce processus, dans le cadre de la confessionnalisation.

Ce concept a pourtant été largement nuancé et critiqué. Il pose notamment problème dans les États dont le prince admet plusieurs religions. On songe bien entendu à la France de l’édit de Nantes, mais le cas se pose aussi pour d’autres États, comme les Provinces-Unies ou l’Angleterre d’après l’édit de tolérance, qui acceptent l’existence de plusieurs Églises qui ont chacune leur orthodoxie. Alors qu’en régime monoconfessionnel l’État peut sanctionner ce qui est considéré comme hétérodoxe par une Église – mais il faudrait vérifier qu’il le fait réellement, car les conflits ne sont pas à exclure – il ne peut plus le faire dès lors que plusieurs confessions sont autorisées. L’imposition d’une orthodoxie échappe alors à l’État, au moins en théorie. C’est à chaque Église de sanctionner ses dissidents, mais sans pouvoir recourir à des peines temporelles. Le lien entre Église et État dans l’imposition de normes est donc à redéfinir selon les États et en fonction d’une chronologie évolutive.

L’enjeu est d’autant plus complexe qu’émergent de nouvelles instances de savoirs, qui se posent en rivales voire en opposantes aux facultés de théologie dans la production d’un discours de vérité sur le monde. C’est le cas avec le développement d’un savoir médical qui entend s’ériger en juge des miracles ou des possessions, avec le cartésianisme ou les philosophies mécanistes qui semblent réduire l’intervention divine dans l’univers, avec les nouvelles théories astronomiques qui remettent en question la vision chrétienne de l’univers, etc. Alors que les théologiens désignent ces nouvelles idées comme hétérodoxes, les États vont-ils jusqu’à les suivre dans ces condamnations ? Un État luthérien, par exemple, peut-il ne pas condamner ce que les facultés de théologie luthériennes condamnent ? De son côté, l’État peut se sentir menacé par des phénomènes tels que l’athéisme, l’enthousiasme religieux ou divers mouvements en marge des Églises. Les considère-t-il comme hétérodoxes ou comme des menaces pour l’ordre public ?

La question est aussi interne aux Églises. Le fonctionnement centralisé et les organismes chargés de définir le dogme qui structurent l’Église romaine permettent d’établir une définition relativement stricte de ce qui constitue l’orthodoxie, et par conséquent de ce qui doit être qualifié d’hétérodoxe. Mais ce n’est pas le cas dans les Églises protestantes, divisées entre elles et parfois même à l’intérieur d’une même confession ; on peut songer aux conflits entre philippistes et gnésio-luthériens dans le Saint-Empire. Qui a alors la légitimité de dire l’orthodoxie ? Dans certains cas, les instances chargées de le faire ne se réunissent plus : c’est le cas des synodes nationaux en France après 1659. Dès lors, qui a la légitimité de déterminer qu’une pensée ou des actes sont hétérodoxes ? Les théologiens ne s’en privent pourtant pas ; il n’est que de rappeler les anathèmes de Jurieu et leurs conséquences sur bien des pasteurs et philosophes à la fin du XVIIe et au début du siècle suivant.

En d’autres termes, l’objet de ce colloque est de poser la double question de l’autorité religieuse et du lien entre Église et État, dans les différents pays européens. Il s’agira de nous demander qui peut définir l’orthodoxie ou l’hétérodoxie, avec quels critères et dans quelle mesure ces décisions sont suivies, ou non, par les États.
Le colloque se déroulera en français et en anglais.

Composition du Comité scientifique :
Hubert Bost (EPHE), Willem Frijhoff (Rotterdam), Charles Giry-Deloison (Arras), Mark Greengrass (Sheffield), Yves Krumenacker (Lyon 3), Susanne Lachenicht (Bayreuth), Raymond Mentzer (Iowa University), Cristina Pitassi (Genève), Noémie Recous (Lyon 3), Joke Spaans (Utrecht)